Allons-nous manger du bœuf aux hormones sans le savoir ?

à en croire cet article repris de Rue 89 on fait bien d’être en AMAP… personnellement j’en était déjà convaincu…

 

José Bové s’inquiète. Invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC ce mardi, le Don Quichotte de la « malbouffe » revient sur les accords de libre-échange transatlantique – en cours de négociation entre les Etats-Unis et l’Union européenne, conclus vendredi avec le Canada – et surtout sur leurs conséquences en terme de sécurité alimentaire.

« Le problème, c’est que personne n’a vu le texte, le gouvernement ne l’a pas vu. Dans ce texte, la question des importations de bœuf qui pourraient être hormonés risque d’être un problème.

On a eu les grands chapitres : il y a aura deux types de bœuf importé, le bœuf “de qualité”, et le bœuf “standard” : c’est du bœuf aux hormones ! »

Une guerre commerciale qui dure depuis 1988

Pour comprendre de quoi parle José Bové, il faut rappeler le contexte. Depuis 1988, l’UE soumet le bœuf canadien et américain à des restrictions sur son territoire, pour des raisons de santé publique : l’élevage dans ces deux pays utilise des hormones de croissance interdites en Europe.

En guise de représailles, le Canada et les Etats-Unis sanctionnent des produits européens. Ce conflit commercial dure depuis 25 ans.

Côté européen, la seule viande de bœuf canadienne et américaine tolérée, c’est la viande « haute qualité », c’est-à-dire avec une traçabilité suffisante pour garantir au consommateur qu’elle est sans hormones.

Des négociations permettent d’augmenter épisodiquement les quotas de viande « haute qualité » acceptés en Europe. En échange, le Canada et les Etats-Unis allègent les sanctions sur les produits européens. En mars 2011 par exemple, la Commission européenne et le Canada étaient arrivés à un accord de ce type. Même chose entre les Etats-Unis et l’UE en 2012.

15 000 tonnes de bœuf congelé, 31 000 tonnes de bœuf frais

Pour ses partisans, le traité Canada-UE négocié depuis quatre ans permettrait d’accroître de 20% les échanges commerciaux entre les deux zones. Au terme de quatre ans de négociations, le texte prévoit notamment l’abaissement des droits de douane sur un ensemble de services, de produits manufacturés et agricoles.

« Au final, Ottawa a accepté de doubler le quota de fromage européen admis sans droits tarifaires, en échange d’un plus grand accès au marché européen pour les producteurs de bœuf canadiens. »

En vertu de cet accord, l’UE « importera sans droits tarifaires 15 000 tonnes de bœuf congelé et près de 31 000 tonnes de bœuf frais ».


La vache qui lit ou « ZH Dominicow », sculpture de Rodrigo Oliveira, « Cow Parade », Porto Alegre (Brésil), 2010 (Alexandre Pereira/Flickr/CC)

Mais cet accord risque-t-il de remettre en cause un équilibre trouvé tant bien que mal, en permettant l’arrivée de bœuf aux hormones sur le marché européen ? José Bové n’est pas le seul à le penser. Le député européen UMP Michel Dantin menace de ne pas voter l’accord et déclare, dans une interview au Figaro :

« J’attends de voir les termes exacts de cet accord et notamment ses clauses sanitaires. S’il ne respecte pas les conditions d’élevage européennes et les règles sanitaires comme certains députés le soulignent déjà, nous mettrons tout mettre en œuvre pour ne pas voter cet accord. Je rappelle que les hormones de croissance sont interdites pour l’élevage en Europe car elles représentent un danger pour la santé du consommateur. »

« C’est hors de question et nous sommes tous d’accord »

Ce qui est perturbant, c’est que pas plus Michel Dantin que José Bové n’ont pu lire le texte intégral de l’accord. Prévoit-il vraiment l’importation de viande hormonée en Europe ou est-ce une crainte des éleveurs ? Attac a aussi fait part publiquement de ses inquiétudes.

D’après les éléments les plus précis parus dans la presse française et canadienne, il n’est pourtant pas prévu de déroger à la règle en vigueur depuis 25 ans. Si Nicole Bricq, la ministre du Commerce française, s’est montrée réservée sur l’accord par crainte d’une concurrence accrue imposée aux éleveurs européens déjà en difficulté, elle a aussi apporté un démenti catégorique à José Bové :

« L’importation de bœuf aux hormones n’est pas dans la négociation. C’est hors de question et nous sommes tous d’accord au niveau européen. »

Elle défend la même ligne en ce qui concerne les Etats-Unis.

« Le Canada a accepté les normes européennes »

Un poids lourd de l’élevage européen confirme auprès du journal québecois Le Devoir :

« Parmi les aspects positifs de l’accord-cadre, Pekka Pesonen [secrétaire général de Copa-Cogeca qui regroupe 38 000 coopératives et 13 millions de producteurs européens] note tout de même que le Canada a accepté les normes européennes interdisant l’utilisation de certaines hormones de croissance. »

L’Association européenne des éleveurs, elle aussi, a admis que « le Canada a fait deux concessions importantes dans le secteur agricole, en acceptant de respecter plus de 140 appellations contrôlées, et en ajustant ses conditions d’élevage aux normes européennes ». D’après La Presse, « la viande canadienne vendue en Europe sera exempte d’hormones de croissance ».

Le journal chiffre même cet effort à « 15% des coûts » supplémentaires pour les producteurs. D’autres estiment ce surcoût entre 25 et 50 dollars canadiens par tête de bétail. Mais au final, les éleveurs canadiens considèrent qu’avec l’augmentation des quotas, l’opération sera rentable.

L’accord, qui doit être finalisé, validé par le Parlement européen et ratifié par les Etats-membres de l’UE, n’entrera pas en vigueur avant 2015.

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